Ce fruit si délicieux considéré, de tradition, comme le compagnon idéal pour se rafraîchir quand le soleil voit rouge en été, est aujourd’hui cloué au pilori sous l’effet d’une campagne absurde et aberrante sur les réseaux sociaux. Là où, on le sait, pour un oui ou pour un non, l’imaginaire populaire, facile à influencer et émouvoir, est prompt à créer parfois des histoires de toutes pièces. Les autorités compétentes ont rétorqué par un cinglant démenti.
Ces jours-ci, c’est la pastèque (à qui le tour après?) qu’on a prise pour cible pour tirer dessus, en prétendant que ce fruit peut provoquer une intoxication alimentaire à cause, s’acharne le bobard, de l’utilisation de… l’eau de batterie de voiture durant la phase de fertilisation ! Suffisant pour mettre la rue sens dessus dessous..
Folle rumeur
«Faux», s’écrie, Mouldi El Ghabri, agriculteur à Borj Touil (gouvernorat de l’Ariana). «Certes, explique-t-il, il faut reconnaître que certains ont parfois recours à l’usage démesuré de produits fertilisants afin de booster le rendement des cultures maraîchères saisonnières. Mais il faut se garder de dramatiser, s’agissant d’actes isolés qui n’ont aucune incidence notable ni sur le volume de la production ni sur le processus de commercialisation de la récolte».
M. El Ghabri, qui assure être agriculteur de père en fils s’insurge contre «ces pratiques déloyales, alors que les produits fertilisants 100% bio en liquide naturel sont pourtant abondants et aux prix abordables sur le marché. En réalité, ajoute-t-il, les pastèques n’exigent pas de gros travaux, car, après l’ensemencement et l’étape de la pollinisation, elles n’ont plus besoin que d’un arrosage constant, surtout pendant les périodes sèches. Ceci dit , je me demande alors pourquoi tricher si lâchement ? Comme tous les agriculteurs, notre interlocuteur précise, par ailleurs, que sa récolte des pastèques est écoulée, via les circuits légaux après avoir transité par les services de contrôle du commissariat régional à l’agriculture. «C’est donc, souligne-t-il, en bonne santé que le produit atterrit auprès des consommateurs. Reste maintenant à identifier les hors-la-loi et les arrêter».
Lui emboîtant le pas, un vendeur de fruits et légumes qui a pignon sur rue à la cité El-Ghazala (délégation de Raoued) évoque une rumeur fantaisiste et une polémique de trop. «C’est, lance-t-il, tout simplement hilarant, car au plus fort de la rumeur, je vous prie de me croire que mes recettes quotidiennes émanant de la vente des pastèques avait plutôt doublé, ou presque. Une tempête dans un verre d’eau, quoi».
Rassurant
De toute façon, officiellement, les autorités compétentes sont loin de s’affoler. Elles ont réagi, a-t-on constaté, avec sagesse et un sens de la responsabilité. En effet, au ministère de la Santé, c’est sans la moindre hésitation qu’ on balaie ces «on dit». «C’est du fake news» ironise Chokri Nafti, directeur général du Comité national de la protection sanitaire des produits alimentaires, structure mixte englobant également les ministères de l’Agriculture et du Commerce. «Je peux vous dire, nous déclare-t-il, qu’on n’a enregistré, jusqu’à présent, aucun cas d’intoxication alimentaire lié à la consommation de la pastèque. Alors là, aucun».
Au ministère de l’Agriculture, la responsable de la direction générale du contrôle de la production alimentaire, Naïma Mahfoudhi, a de son côté affirmé, dans une toute récente déclaration à une radio de la place, que toute la récolte saisonnière des pastèques est jugée saine et consommable, après avoir été, comme de coutume, passée à la loupe par nos différents services spécialisés ajoutant qu’«on n’a déploré aucun cas de pourrissement de ce fruit. Pour nous, tout est donc en règle».
Dans ce contexte, il faut remarquer que la prévention et la vigilance ne semblent pas faiblir. En effet, outre les visites d’inspection de plus en plus fréquentes effectuées par les locataires des ministères concernés sur les lieux de production, de contrôle, d’analyse et de distribution, il importe de signaler l’institution, au sein des Crda (commissariats régionaux au développement agricole), d’un programme d’accompagnement à la transition des pratiques agricoles, par le biais d’une formation d’ancrage des agriculteurs, suivie d’une assistance technique pour mettre en œuvre et adopter les bonnes pratiques en matière de gestion durable de la fertilité des plantes.
Contacté par La Presse, le docteur en nutrition, Ridha Mokni, a tenu, tout d’abord, à condamner l’acte de l’auteur, ou des auteurs de cette rumeur qui, insiste-t-il, ne l’a pas empêché de continuer de manger des pastèques. «Non seulement, tempête-t-il, ce sont des accusations d’une rare bassesse, mais aussi c’est, à mon avis, un crime que d’inciter , de la sorte, les citoyens à se priver bêtement d’un fruit aux énormes bienfaits nutritifs, riche en vitamines A, B, C, en potassium, fibres, glucides et lipides. Des vertus qui vont du renforcement de notre système immunitaire aux propriétés anti-inflammatoires, en passant par les bienfaits cardio-vasculaires, les antioxydants qui combattent les cancers, ainsi que la réduction de la tension artérielle, l’amélioration de la santé rénale et la lutte contre le diabète. Même les graines de pastèque sont riches en vitamine C, zinc et fer. Alors, chers concitoyens, n’arrêtez pas de manger ce fruit dit en Occident « la star de l’été».
Les contrebandiers sont passés par là
Tout cela ne signifie pas, pour autant, que tout baigne dans l’huile. Les failles dans tout organisme sont parfois inévitables. Dans le cas d’espèce, on pourrait les détecter non pas au niveau des phases de production et de contrôle de la récolte, mais plutôt au niveau des circuits de distribution. En effet, selon des sources sécuritaires concordantes, «Tout le mal vient des contrebandiers qui, dans ce genre de business, s’en donnent à cœur joie. Pour que le tour soit joué, ils s’approvisionnent illicitement en marchandise auprès de réseaux tunisiens et surtout étrangers sévissant le long de la frontière algérienne, avant d’aller trouver preneur auprès de revendeurs clandestins qui prennent possession de la marchandise telle qu’elle est. Et c’est ces hors-la-loi que nous combattons et combattrons jusqu’à ce qu’ils agitent le drapeau blanc».
Mais, pourquoi précisément ces régions de la frontière? Eh bien, parce qu’il s’est avéré que, d’après une étude récente du bureau régional de l’Afrique relevant de la FAO l’Algérie est considérée actuellement comme le premier producteur de pastèques du continent (avec 2,2 millions de tonnes), la Tunisie se contentant dans ce hit-parade de la 4e place (avec 0,2 million de tonnes).